🎾 Le vrai rock : only made in UK ?

“Le rock français, c’est comme le vin anglais.” Plus de trente ans aprĂšs sa mort, on n’ose toujours pas donner tort Ă  John Lennon 
 Plus influents, plus prĂ©curseurs, plus populaires, plus virtuoses
 Sur tous les plans, les groupes anglo-saxons dĂ©passent nos champions nationaux. Mais on se pose plus rarement la question du pourquoi. AprĂšs tout, pourquoi le rock serait-il forcĂ©ment meilleur sur l’autre rive de la Manche ou de l’Atlantique ? Existe-il des raisons culturelles, mĂ©taphysiques, (alimentaires ?) expliquant la capacitĂ© d’un peuple Ă  faire des riffs, des solos qui dĂ©collent et des refrains qui groove ? C’est ce que nous allons voir



 

Il y a t'-il un lien existentiel entre la culture anglo-saxonne et la musique rock ?
Il y a t'-il un lien existentiel entre la culture anglo-saxonne et la musique rock ?

L’original et la copie


            Nos rockeurs sont-ils des copieurs ? En tout cas, dĂšs le dĂ©part, ils n’ont pas franchement essayĂ© de se singulariser, imitant non seulement la musique mais aussi le look et les maniĂšres amĂ©ricaines (on parle du style “yĂ©yĂ©â€), jusqu’à changer leurs noms de scĂšne pour ressembler un peu plus aux modĂšles : Johnny Hallyday (Jean-Phillipe Smet de son vrai nom), Dick Rivers (HervĂ© Forneri), Eddy Mitchell (Claude Moine)...

            Pour le critique musical Olivier Nuc, “les Français abordent le rock sous l'angle sentimental”. Il est vrai que les nouveaux groupes bleu blanc rouge ne pullulent pas. La derniĂšre vague de fraĂźcheur remonte peut-ĂȘtre Ă  vingt-ans. C’était l’heure des “bĂ©bĂ©s rockeurs”, qui s’inspiraient dĂ©jĂ  lourdement de groupes anglo-saxons comme les Strokes, les Libertines ou les White Stripes. Et ça n’a pas vraiment durĂ©. Les Naast, les Plasticines ou les Second Sex ont disparu ; les BB Brunes et Mustang ont fait de vieux os, mais au prix d’un changement de style.

Sur la dĂ©cennie 2010, seuls Gojira et Feu! Chatertone semblent avoir percĂ© dans le grand public avec du rock, tandis que les anciens restent indĂ©boulonnables, Ă  dĂ©faut d’ĂȘtre rĂ©volutionnaires, comme Indochine (qui surfait sur la new wave anglaise) ou Trust (fortement influencĂ© par le hard-rock et le punk anglais). Bref, Ă  part quelques exceptions, le rock français ne paraĂźt pas vraiment Ă©mancipĂ© face aux aĂźnĂ©s anglophones
 Est-ce une fatalitĂ© ?

 

           

 

       

Johnny Hallyday
Johnny Hallyday

 English - la langue maternelle du rock


           Il existe peut-ĂȘtre des explications d’ordre historique.

Le rock est nĂ© quelque part aux Etats-Unis dans les annĂ©es 1930. D’ailleurs il ne pouvait naĂźtre qu’ici, puisque les instruments nĂ©cessaires venaient d’apparaĂźtre au mĂȘme endroit ; Ă  savoir, la batterie (conceptualisĂ©e en AmĂ©rique du Nord), la guitare Ă©lectrique (inventĂ©e par Gibson, dans le Tennessee), et la basse (inventĂ©e par Paul Tutmarc Ă  Seattle). On considĂšre gĂ©nĂ©ralement qu’Elvis est le premier chanteur de rock-and-roll, mĂȘme si “Around the Clock”, de Bill Haley, est parfois dĂ©signĂ©e comme la premiĂšre chanson rock.

 

 

 

Le rock est ensuite repris et perfectionnĂ© par les anglais. Les Beatles le hissent au rang d’art majeur. Dans les annĂ©es 1970, les Rolling Stones, King Crimson, Genesis (menĂ© par Peter Gabriel) ou les Pink Floyd (co-fondĂ©s par Roger Waters) poussent le rock dans tous ses retranchements - du trĂšs expĂ©rimental au trĂšs populaire. Led Zeppelin, AC/DC posent les fondements du hardrock, Black Sabbath ceux du metal. Tout ça pour un pays grand comme Ă  peine deux Benelux
 DĂ©cidĂ©ment, les Anglais sont des rockeurs dans l’ñme, et courent toujours avec une longueur d’avance.

 

Anglo-saxon
 Mais surtout afro-américain

            Et si le rock-and-roll d’origine Ă©tait lui-mĂȘme
 une copie ?

            Au dĂ©but des annĂ©es 1950, aux Etats-Unis, un disc jockey (on disait comme ça Ă  l’époque) du nom d’Allan Freed promeut activement le blues, le gospel et le jazz. Sauf qu’en pleine sĂ©grĂ©gation raciale, ces musiques jouĂ©es par des noirs passent pour inacceptables et mĂȘme “diaboliques” auprĂšs de l’AmĂ©rique puritaine blanche. Alors, Freed va contourner cet interdit moral en inventant le terme “rock-and-roll”. Ce faisant, il crĂ©e un nouveau segment de marchĂ©, permettant Ă  la jeunesse blanche de s’approprier cette musique, la jouer, la produire et la vendre. Elvis sera le premier Ă  s’engouffrer dans cette brĂšche.

            Mais cette histoire ne fait-elle pas du “King” un interprĂšte  qui revisite toute une matiĂšre dĂ©jĂ  existante, un peu comme notre Johnny national qui adapte Ă  notre sauce le rock US ? Le fait est que tous les Ă©lĂ©ments essentiels du rock se trouvaient dĂ©jĂ  dans les musiques noires : la syncope, les instruments Ă©lectriques et les distorsions, la place Ă©minente de la batterie, et mĂȘme le fait de crier/hurler, qui provient du gospel (et donc, Ă©tonnement, d’une musique sacrĂ©e).

            Aujourd’hui, les historiens de la musique tendent Ă  relativiser le rĂŽle d’Elvis et Ă  mettre en valeur ses prĂ©curseurs, comme LĂ©onard Cohen, Little Richard, ou Chuck Berry. En dĂ©finitive, s’il est vrai que le rock-and-roll a des racines anglo-saxonnes, celles-ci ne sont pas forcĂ©ment celles qu’on croit.

 

Léonard Cohen
Léonard Cohen

La langue anglaise : indissociable du rock ?


            En dehors des pays anglophones, les groupes de rock Ă©crivent souvent en anglais
 On entend dire que “cela sonne mieux”, mais on pourrait aussi penser qu’il s’agit d’un prĂ©jugĂ©, qu’écrire en anglais relĂšverait de la facilitĂ© puisque nous avons l’habitude d’entendre des paroles en anglais. Et puis, en tant que langue internationale, l’anglais semble ĂȘtre le meilleur tremplin vers le succĂšs
 

Mais il existe des contre-exemples. Par exemple, le groupe Scorpion a choisi de chanter en anglais, devenant dans les années 1980 le groupe allemand le plus connu du monde. Au début de sa carriÚre, Rammstein a fait le choix inverse : jouer du rock en faisant un effort particulier pour trouver les mots qui sonnent bien dans leur langue natale.

Le guitariste du groupe s’en souvient : 

“Les mecs [des maisons de disque] riaient comme des malades. Cela a renforcĂ© notre dĂ©termination Ă  nous imposer. J’avais formĂ© autrefois des groupes chantant en anglais, mais j’ai rĂ©alisĂ© que c’était renier sa propre identitĂ©."

 De fait, Rammstein a tenu son pari
 et l’a gagnĂ© !

            NĂ©anmoins, certains auteurs pensent qu’il existe bel et bien un lien entre la langue anglaise et la musique rock. C’est le cas, par exemple, du journaliste Alan Posener. Selon lui, “la grammaire anglaise est rudimentaire”, mais “le vocabulaire est immense” ; l’anglais serait ainsi “l’équivalent linguistique du rock-and-roll.” Mais si la thĂšse de Posener Ă©tait vraie, celle-ci ne devrait-elle pas s’étendre Ă  toute la musique populaire - plutĂŽt que de s’arrĂȘter au rock ? 

 


 

Muse - 2016 - Accor Arena
Muse - 2016 - Accor Arena

Quand les autres pays font leur “propre rock”


            Peut-ĂȘtre que le rock est dans toutes les nations, dans toutes les langues, et que nous n’avons simplement pas appris Ă  le reconnaĂźtre
 Par exemple, on pense rarement Ă  Gainsbourg comme un artiste rock ; mais son album Melody Nelson s’est avĂ©rĂ© particuliĂšrement influent pour un grand nombre d’artistes anglophones. Et que dire du groupe Magma, ces parisiens qui bourlinguent depuis 1969 avec un jazz-rock expĂ©rimental fascinant le monde entier ?

 

            De mĂȘme, Aphrodite’s Child est un groupe venu de GrĂšce et son rock psychĂ©dĂ©lique est considĂ©rĂ© comme sĂ©minal. Et chaque fois que l’on parle du Velvet Underground, on oublie bien vite que leur album le plus prĂ©curseur fut enregistrĂ© en collaboration avec Nico, une chanteuse allemande. Et souvenez-vous, l’une des chansons de rock-and-roll les plus populaires de tous les temps est d’origine mexicaine : c’est « La Bamba »! Et puis, le concours de l’Eurovision n’a-t-il pas sacrĂ© le groupe de mĂ©tal finnois Lordi (en 2006) et le groupe de rock romain Maneskin (en 2021) ? Ces derniers, d’ailleurs, ont la particularitĂ© de cartonner Ă  l’étranger tout en chantant la plupart du temps en italien.

            Comme quoi, le constat de John Lennon n’était peut-ĂȘtre pas si solide. Et puis, avec le changement de climat, les Anglais feront sĂ»rement bientĂŽt du vin - et John Lennon aura donc tout Ă  fait tort.

 

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Le groupe de rock "Scorpions"
Le groupe de rock "Scorpions"

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