⚡️ L'électro-clubbing en 10 titres fondateurs

« Techno, toujours pareil, boum boum dans les oreilles »… On s’est tous déchaînés sur ce son (à juste titre), mais le groupe Salut C’est Cool a-t-il eu raison de se moquer ? 

La musique électronique est d’abord faite pour danser, c’est vrai. Révélée dans les années 1960 dans les clubs et les fêtes, par tâtonnements puis coups d’éclats, elle assume parfois un aspect brut et répétitif, particulièrement poussé dans certains genres comme la techno minimale. 

Entre expérimentations techniques et succès indémodables, retraçons l’histoire de ce genre à part en 10 chansons légendaires. 

#1 - Love without Sound, de White Noise (1969)

Au départ, les instruments électroniques étaient plutôt réservés aux professionnels et confinés dans les conservatoires. On parlait alors de « musique concrète », « d’électroacoustique », ou de « computer music ».

White Noise est l’un des premiers groupes à s’inspirer de ces expérimentations, à vouloir les sortir des laboratoires de musicologie et les présenter au grand public. Le fondateur du groupe, David Vorhaus, est d’ailleurs ingénieur de formation. C’est en assistant à une conférence donnée par une scientifique acousticienne qu’il a l’idée de composer avec des instruments non-conventionnels, de manipuler des bandes enregistrées et de jouer avec le tout premier synthétiseur anglais : le EMS Synthi VCS3.

C’est donc en pleine vague de rock-psychédélique que White Noise sort son premier album, intitulé An Electric Storm, dont Love without Sound est la chanson d’ouverture. Étrange, sombre (et presque angoissant), cet album expérimental n’est pas vraiment dansant, mais il est reconnu comme un marqueur dans l’histoire de la musique. Grâce à lui, les sons électroniques se frayent un chemin dans la conscience populaire, et ce n’est qu’un début…

#2 - Popcorn, de Hot Butter (1972)

Chez White Noise, on entendait encore des instruments traditionnels : des voix, du chant, et surtout, une batterie omniprésente. Avec Popcorn, pour la première fois, une chanson est entièrement composée pour (et jouée par) des synthétiseurs. Simple, sautillante, entêtante, la chanson connaît immédiatement un grand succès dans le monde entier.

Elle connaîtra de multiples versions. La dernière en date ? Celle de Crazy Frog, en 2005, qui s’est imposée n°1 des ventes dans plusieurs pays. Comme quoi, c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleurs popcorns…

#3 - Oxygène Part IV, de Jean-Michel Jarre (1976)

Ni trop basique, ni trop cérébral, Jean-Michel Jarre est celui par qui la musique électronique a gagné ses lettres de noblesse. Son album Oxygène explore les sonorités des synthétiseurs et les multiplie à la façon d’un orchestre, ce qui lui permet d’exprimer des émotions que ces instruments « artificiels » ne semblaient pas pouvoir atteindre. Oxygène se révèle comme un voyage sonore, une œuvre à la fois planante, mélancolique, cosmique et, contre toute attente, très entraînante…

En France, l’album reste aujourd’hui un des plus vendus de l’histoire. Quant à la chanson Oxygène Part IV, elle est devenue l’un des thèmes électroniques les plus célèbres au monde. Pour l’anecdote, la mélodie de celle-ci a été largement inspirée par celle de Popcorn ! Comme quoi, c’est dans les vieux pots… Quoi, on l’a déjà dit ?

#4 - Trans-Europe Express, de Kraftwerk (1977)

Kraftwerk est peut-être le premier groupe électro-pop à voir le jour, et Trans-Europe Express est non seulement leur titre le plus célèbre, mais aussi le plus quintessentiel. Pas besoin d’être un fana de clubbing et de rave-party pour reconnaître dans cette chanson (vieille quand même de presque 50 ans) les rythmes et les « trucs » de compositions qui font la plupart des tubes électro modernes. 

Ce n’est pas pour rien si le journal anglais The Guardian[1] estime que Kraftwerk est l’un des groupes les plus influents de tous, au même rang que les Beatles. En effet, leur style unique, accessible et raffiné à la fois, a posé les bases de la techno, la house, la dubstep, et même plus…

#5 - I Feel Love, de Donna Summer (1977)

Pour cette chanson, le producteur de Donna Summer a choisi de remplacer tous les instruments par un synthétiseur de la marque Moog, très en vogue à l’époque. Mais, comme pour la tarte tatin, le vrai secret de cette chanson provient d’un accident, alors qu’un ingénieur ajoute sans le faire exprès un effet d’écho sur le beat. La pulsation donne alors l’impression de gagner en vitesse et se dédoubler, de manière hypnotique…

« Du jour au lendemain [peut-on lire dans le Financial Times[2]], la disco est devenue de la dance ». Ce nouveau style, fusionnant des musiques européennes et américaines, était alors parti pour durer jusqu’à nos jours, faisant de I Feel Love l’un des enregistrements « les plus influents jamais faits ».

#6 - Last Night a D.J. Saved My Life, Indeep (1982)

Donna Summer avait ouvert une brèche dans laquelle quantité d’artistes se sont engouffrés. Indeep fait partie de ceux-là.

Écrite par le producteur et musicien Michael Cleveland, Last Night a D.J. Saved My Life reflète parfaitement son époque en transition, mélangeant une rythmique entièrement synthétique, des samples étonnants (téléphone, freins de voiture), et même, sur la fin, un discret passage de rap… Certes, ce n’est pas de « l’électro » au sens propre. Pour autant, cette chanson spécialement conçue pour faire danser en club a servi de pont pour abandonner définitivement les années 1970 et plonger dans l’ère « post-disco ». 

Ce nouveau genre devrait intégrer de plus en plus d’appareils et de sonorités électroniques, avant de se diffracter en multiples sous-cultures :  la new-wave, le hip hop, l’euro-dance…

#7 - Thousand, de Moby (1992)

Moby est devenu une figure incontournable de la musique dance dans les années 1990. C’est lui, notamment, qui a propulsé ce genre dans la culture dominante. Son album Play a d’ailleurs été le premier de l’histoire musicale à voir toutes ses chansons utilisées sur petit ou grand écran.

C’est moins connu, mais Moby est aussi l’heureux détenteur d’un record : celui de la chanson la plus rapide. Seul un musicien se servant d’appareils électroniques pouvait atteindre un tel tempo. Cette chanson, c’est Thousand, et selon le Guinness Book, elle atteint à son paroxysme plus de 1000 pulsations par minute. Impossible de danser à cette vitesse… À moins de battre un autre genre de record ?

#8 - The Bells, de Jeff mills (1996)

The Bells est généralement considéré comme la chanson techno la plus célèbre et la plus jouée dans le monde. Elle est encore utilisée de nos jours comme un « hymne » dans de nombreux clubs, festivals, ou raves… Les premières secondes suffisent à rallier la foule et la mettre en transe !

Et pourtant, difficile de faire plus simple : quatre notes, entêtantes, qui reviennent en boucle… Le DJ de Détroit revendique d’ailleurs cette pureté, décrivant sa chanson comme un « outil pratique » dont le seul but est « l’efficacité »… Cela n’a pas empêché Jeff Mills de recevoir en 2017 (et des mains de Jack Lang) les insignes d’Officier des Arts et des Lettres.

#9 - Windowlicker, d'Aphex Twin (1999)

Parfois, l’électronique est simple. Parfois, elle ne l’est pas. Aphex Twin l’a démontré à travers sa musique ultra-complexe, mélange de rythmiques exploratoires, de mélodies recherchées et de sonorités surprenantes. Son style unique finira par devenir le fer de lance d’un nouveau genre parfois appelé « intelligent dance music ».

Estimé par les professionnels, Aphex Twin a dû attendre 1999 pour être connu du grand public avec son tube Windowlicker : une étrange balade aux multiples couches vocales déformées, érotiques, qui s’ouvre par une longue intro drum’n’bass et se conclut par un final saturé quasi-bruitiste. Cette chanson, que RadioHead et DaftPunk saluent comme une influence majeur, semble toujours aussi avant-gardiste plus de 20 ans après sa sortie. On y devine, entre autre, les « glitch » (bugs sonores), les woobles et les voix tordues qui seront explorés par les artistes du siècle suivant, notamment dans la pop et le dubstep…

#10 - One More Time, Daft Punk (2000)

Impossible de ne pas mentionner au classement les rois de la French Touch, un style mondialement connu que cette chanson résume à elle seule : des voix auto-tunées et fortement déformées (traitées, en fait, comme un instrument), des touches rétro de funk et de disco, des sons modulés par des filtres et des phasers pour obtenir une plus grande densité harmonique… One More Time est considéré comme un modèle du genre et comme une révolution dans la sphère électro.

Cette chanson n’a pas pris une ride et continue d’inspirer des artistes comme Skrillex ou Kanye West. D’ailleurs, pour certains observateurs[3], le simple passage de Daft Punk à Coachella en 2006 aurait suffi à déclencher toute la vague de musique électronique aux Etats-Unis… Si ça, c’est pas de l’influence !

La musique électro continue de faire vibrer les foules. Il suffit de voir les shows impressionnants et l’accueil survolté qu’ont reçu cet automne à l’Accor Arena des artistes comme la Swedish House Of Mafia ou VITALIC. Et en 2023, la fête continue avec la Fun Radio Ibiza Experience : un show qui rassemble les meilleurs DJ de la planète et fait danser 15 000 personnes à chaque fois…

Prochain rendez-vous ? Le 28 avril, à l’Accor Arena !

[1] Juge Rogers, Why Kraftwerk are still the world's most influential band,The Guardian, 27 janvier 2013

[2] David Cheal, The Life of a Song: ‘I Feel Love’, Financial Times, 3 juin 2016

[3] Alexis Petridis, This article is more than 1 year old Daft Punk were the most influential pop musicians of the 21st century, The Guardian, 23 février 2021