🫂 Sport & rap : de bons vieux potes !

“J'ai le Ballon d'Or, le micro d'or, le Soulier d'or et des disques d'or” chantait Doc Gynéco en 1996 sur le titre "Passements de jambes", dans l’inimitable album "Première Consultation". Cette chanson est l’une de celles qui a contribué à la solide histoire d’amour entre le sport et le rap en France.

25 ans plus tard, les liens sont toujours plus forts. Montez le son pour une balade au cœur d’une histoire qui dribble avec les mots !

Les premiers pas du rap dans le sport

En 1998, les Bleus célébraient leur succès en finale en chantant "I Will Survive", sur le rythme entraînant de Gloria Gaynor. 20 ans plus tard, changement de style : Paul Pogba nous partage ses fameuses improvisations, en rappant quelques paroles sur le beat de "The Message" signé Grandmaster Flash & The Furious Five.

En 2018, La Pioche (surnom d’enfance de Pogba) et ses partenaires se déhanchaient sur "Ramenez la coupe" à la maison de Vegedream.

Une révolution musicale, une évolution des mœurs. 

C’est dans les années 90 que le sport et le rap se sont réellement rapprochés. Mais dans un premier temps, cet amour n’allait que dans un seul sens. Le rap n’était pas encore un style très démocratisé, en revanche, les rappeurs, eux, ont toujours aimé le sport et particulièrement le football. Et c’est le groupe marseillais IAM qui ouvre la brèche, avec son titre "Le Feu" en 1993.  Des bacs, le morceau rejoint quasi immédiatement les gradins, les supporters reprennent en cœur dans les travées du Vélodrome ce qui devient presque un hymne : “Ce soir on vous met, ce soir on vous met le feu”. En 1996, Doc Gynéco explore très largement le foot dans son titre "Passements de jambes".

En France, le rap a mis du temps à se démocratiser, alors qu’aux Etats-Unis, c’est l’un des styles musicaux les plus tendances déjà dans les années 90. Quelques albums mythiques  bleu blanc rouge ont permis au rap de passer un cap : "L’Ecole du micro d’Argent" (IAM, 1997), "Paradisiaque" (MC Solaar, 1997) et  "Suprême NTM" (Suprême NTM, 1998). Le mouvement de démocratisation du rap en France est amorcé. 

Une histoire de liens sociaux

A ses débuts, le rap était une musique issue de la culture «  ghetto » surtout populaire dans les banlieues. Mais au fur et à mesure, le rap prend ses quartiers en dehors du tié-quar.

Et, c’est cette thématique du lien social qu’il faut explorer pour tenter d’expliquer pourquoi le sport et le rap font bon ménage depuis maintenant plus de 20 ans

Rap et sport sont souvent évoqués comme des moyens rapides de court-circuiter l’ascenseur social. Ces deux pratiques présentent les avantages d’être peu coûteuses. Tu veux jouer au foot ? Prends deux sacs à dos pour faire des buts, un ballon, va dehors et invite tes potes. Il n’y a rien de plus simple et c’est pour ça que le foot est si populaire. Tu veux rapper ? Un stylo, une feuille blanche, de l’inspiration et tu peux coucher un son. Beaucoup de rappeurs et de sportifs sont partis de zéro, pour être des superstars aujourd’hui. 

Aux Etats-Unis, berceau du rap, la relation sport rap a  même donné naissance à un dicton populaire : “les basketteurs veulent être des rappeurs et les rappeurs veulent être des basketteurs”. Ceci a été mis en pratique par Shaquille O’Neal qui s’est essayé au rap en sortant 4 albums entre 1993 et 1998. Un accueil critique mitigé, mais une réussite commerciale totale. Depuis, de nombreux sportifs se sont essayés au rap : Tony Parker, Kevin Prince Boateng, Memphis Depay ou encore Damian Lillard. Dans la même idée, de nombreux rappeurs ont un lien très fort avec le foot : Kool Shen (NTM) aurait pu rejoindre le centre de formation du RC Lens. Le fils de JoeyStarr passe par les espoirs de l’AJ Auxerre. Sefyu fait un essai à Arsenal. 

De nombreux points communs

Les disciplines comme le basket, le football ou les sports de combat possèdent de nombreux atomes crochus avec le rap. D’abord, ces différents milieux sont majoritairement masculins : esprit de compétition, culture de la virilité et chambrages y règnent. Dans les quartiers dits populaires, ces sports sont les plus présents, tout comme le sont le rap et le hip-hop. Le rapprochement se fait donc naturellement entre personnes ayant grandi ensemble.

Le sociologue Cyril Nazareth a arpenté les terrains de Seine-Saint-Denis pendant plusieurs années pour des travaux centrés sur la socialisation des jeunes à travers le football. Les références au rap étaient très présentes chez les joueurs de 13 à 19 ans : "Ce sont des valeurs de réussite auxquelles ils s'identifiaient, sachant que dans leurs quartiers, il y a souvent des petits producteurs de son, des studios qui sont accessibles." 

Des similitudes, il y en a également entre les sports de confrontation et les fameuses battle rap. Deux adversaires. Un public. Un arbitre. Battle rap et sports de combat se rejoignent, et la ressemblance est d’autant plus frappante qu’en règle générale, ces pratiques se déroulent en plusieurs rounds et qu’un titre vient parfois récompenser le vainqueur. Aussi, en sport comme pour les battle de rap, il y a cette notion de respect d’autrui. On respecte l’adversaie, on lui serre la main, même si l’objectif est de prendre le dessus sur lui. 

Au-delà des origines sociales proches et de l’aspect générationnel, il y a aussi la recherche du beau geste dans le sport et du bon mot dans le rap. Dans ces univers, il y a un goût partagé pour la virtuosité. Une bonne punchline en musique ça s’applaudit autant qu’un joueur qui réalise une belle roulette sur le terrain.

Des partenariats opportunistes


Vu la tendance, les marques ont flairé l’opportunité et se sont petit à petit immiscées dans le foot (sport le plus populaire du monde) et le rap (la musique la plus écoutée en France). Cela fait maintenant plusieurs années que de grandes marques comme Adidas réalisent des partenariats avec certains rappeurs pour promouvoir leurs vêtements auprès de leur audience. C’est le fameux style “urbain” si présent dans les spots publicitaires. Une association des deux univers qui a largement fait ses preuves ! 

Si un rappeur connu apparaît dans une pub ou à l’écran avec un survêt’ d’une certaine marque, ses fans voudront en savoir plus sur la tenue portée.  C’est comme ça : c’est un mécanisme psychologique simple basique. Et ça, les marques l’ont bien compris. Des artistes comme MHD et Alonzo ont par exemple joué leur propre rôle dans des publicités aux côtés de stars du ballon rond. 

Alors le rap a-t-il davantage profité du foot que l'inverse ? Finalement, peu importe. Ce qui prime, c’est que le sport et le rap aient su saisir les opportunités, pour devenir des mouvements sociaux générationnels et connus de tous.